L’Industrie textile sous le fléau de la covid-19

L'industrie textile a subi de plein fouet l'impact de la COVID-19. Pour la première fois, la filière entière – du design à la production et des grandes enseignes aux maisons du luxe – a été mise à l’arrêt. Cela n’a jamais été le cas, même pendant les deux guerres mondiales.

Dès janvier 2020, l’une des plus grandes industries dans le monde a dû affronter des problèmes logistiques sans précédent. L’export de matières premières de la Chine a brusquement chuté, impactant directement la chaîne d’approvisionnement textile. Puis, les mesures de confinement à travers le monde ont entraîné la fermeture des magasins de mode et une baisse des ventes. Les achats textiles sont aussi devenus moins prioritaires pour les consommateurs.trices confinés pendant des semaines et inquiets des niveaux de revenus plus bas. Ainsi, les grandes multinationales ont enregistré une baisse de leurs ventes de 21,8 % sur les neufs premiers mois de 2020 selon un enquête d’études de la banque Mediobanca.

Plusieurs enseignes occidentales – dont Primark, Asos, Gap, Marks&Spencer ou encore C&A – ont alors annulé ou reporté leurs commandes auprès de leurs fournisseurs asiatiques. Selon la Fédération internationale de l'industrie textile, les commandes ont baissé de près d'un tiers dans le secteur de l'habillement. Dans certains cas, les détaillants ont même refusé de payer pour des productions déjà entamées, voire partiellement ou entièrement réalisées, abandonnant ainsi leurs travailleurs.euses et poussant les usines à fermer temporairement ou définitivement leurs portes.

La conséquence, de nombreux ouvriers.ères textiles au Bangladesh, au Cambodge, au Sri Lanka, en Inde et en Chine ont été licencié(e)s sans sommation ni indemnités et se sont vus forcé(e)s de se tourner vers des emplois précaires pour survivre. Ceux et celles qui ont réussi à conserver leur emploi n’ont pas reçu de salaires durant le confinement et ils/elles ont vu leurs salaires baisser par la suite. Ces salaires sont essentiels pour subvenir à leurs propres besoins et à ceux de leurs familles. Les employés.ées de la filière ont dû affronter la crise sans avoir sur quoi se reposer car il leur est pratiquement impossible d'économiser pour les urgences avec des salaires minimums.

 

Par crainte de perdre les grandes marques comme clients, de nombreuses usines ont rouvert leurs portes malgré les interdictions en vigueur. Incapables de respecter les mesures de distanciation physiques et d’hygiène, de nombreux.ses travailleurs.euses se sont infecté(e)s sur le lieu de travail. Par peur de perdre leur salaire ou leur emploi en cas d’absence, ils/elles ont caché leurs symptômes et continué à travailler.*

Un an plus tard, l’industrie de la mode est loin d’avoir retrouvé sa gloire de l’avant-Covid. L’espoir de relance économique reste faible, notamment en raison des nouveaux confinements imposés pour lutter contre la COVID-19 et une demande stagnante. Les marques de mode continuent d’écouler les stocks de l’année dernière. Selon le cabinet américain de conseil en stratégie McKinsey, les invendus ont doublé par rapport à l’avant-Covid, accumulant une valeur de 140 à 160 milliards d’euros. La prudence s’impose alors pour les multinationales qui restent réticentes à passer des grandes commandes auprès de leurs fournisseurs dans un climat d’incertitude. Certaines enseignes continuent d’annuler leurs commandes, d’autres placent des commandes plus petites. Dans des pays comme le Bangladesh, où le textile représente 80 % des exports, le niveau des commandes et des exportations reste bien en-dessous de la moyenne (-30 %) en début de cette année 2021.

La COVID-19 révèle les failles de notre système et nous fait comprendre que le modèle de la surconsommation à bas prix au dépens des producteurs.trices de coton et de textile touche à sa limite dans le contexte de la pandémie. L’industrie de la mode et notamment de la Fast Fashion devra repenser son fonctionnement dans son intégralité afin d’assurer sa responsabilité sociale et remédier aux problèmes des surplus résultant d’une mode qui mise sur les gros volumes et les petits prix. Le devoir de vigilance s’impose ainsi comme une nécessité pour les enseignes de mode qui doivent dès à présent opérer en toute transparence et assurer leur responsabilité. L'Organisation internationale du Travail (OIT) préconise une industrie de la mode qui adopte un "avenir du travail centré sur l'Homme". La valorisation des travailleurs, des salaires et conditions de travail équitables, mais aussi des législations au niveau mondial et la responsabilisation des entreprises permettront ainsi de reconstruire une industrie plus équitable, durable et résistante.

* source : “They left us starving ”: How the fashion industry abandoned its workers, Open Democracy

par Fairtrade Lëtzebuerg